Non. Je marche sur Prince Street, passant devant les graffitis, les épiceries fines, les touristes bouche bée. Le chaos de Soho me fait perdre la tête. Si ça ne marche pas, je jette de la peinture sur le mur jusqu'à ce que ça colle.

J'aime le désordre : les traces sur mes mains, l'odeur de térébenthine. Le numérique est trop propre pour ce que je recherche. Soho m'a appris à privilégier le côté brut au côté brillant.

Non, c'est un cirque : galeries, vendeurs ambulants, cafés prétentieux. Ça me fatigue parfois, certes, mais c'est du carburant. Je préfère faire une overdose plutôt que de m'évanouir dans le silence ailleurs.

La lumière du jour est trop polie. À Soho, la nuit efface le vernis : les néons bourdonnent, les voix résonnent et l'air est âcre. C'est alors que les vraies couleurs apparaissent, ne demandant qu'à être immortalisées sur la toile.

Une immense fresque murale sur un toit de Soho – quelque chose qu'on verrait depuis un escalier de secours, débordante de couleurs, suffisamment forte pour couvrir la circulation. Une œuvre d'art qui se bat pour être remarquée.

Cela peut prendre trois heures ou trois mois. Le temps n'a plus d'importance quand la peinture est humide. Je m'arrête quand elle cesse de me hurler dessus, ou quand le propriétaire frappe à la porte.

Je fouille les réserves de fournitures artistiques de Soho : des huiles de cette petite boutique de Wooster, des toiles tendues à la main dans mon atelier de Brooklyn. La qualité compte, mais il faut que ça ait une histoire.

Les rues de Soho – sordides, bruyantes, animées. J'observe les ombres qui se tordent autour des bâtiments en fonte et les gens qui bougent comme des éclaboussures de peinture sur une toile. Le chaos est ma muse ; c'est le pouls de cette ville.